Retour au point de départ ?

- Ah, parfait, ils ne vont pas tarder, tu m’excuseras, je dois parler avec Urinon.

Il prit son ami par les épaules et le conduisit dans le bureau de la direction. Gwenaëlle resta plantée là un instant, le regard perdu dans le vide. Elle était tout de même un peu vexée d’être laissée si brusquement. Bah ! Si ils étaient amis, ils avaient sûrement des choses à se dire et puis ils avaient l’ai de ne pas s’être vus depuis quelques temps. Mais elle trouvait également étrange qu’ils aient arrêté leur conversation à son arrivée.

* Arrête de te faire des histoires ! Ils n’allaient quand même pas continuer à papoter tranquillement pendant que tu étais à côté d’eux. *

- Pourquoi est ce que je dois toujours me faire tant de nœuds au cerveau ?

Elle hocha la tête et soupira. Ca l’agaçait vraiment, parfois, de s’imaginer des choses qui n’avaient aucune raison d’être. Elle se souvint que l’odeur ici était insoutenable et elle retint sa respiration. Elle s’approcha de la porte par laquelle elle et Ramzteïn étaient rentrés, plus tôt. Elle se plaça sur le pas de la porte, les bras croisés, ses cheveux se balançant dans son dos et sur ses épaules, et une légère brise fraîche balayant son visage. Elle était à la limite d’avoir froid mais c’était mieux que la chaleur étouffante et l’odeur de ce bordel. Les autres prostituées étaient un peu plus loin, dans la rue, en attente de clients. Mais les passants étaient rares. A vrai dire, les gens devaient éviter de passer par une rue aussi délabrée quand d’autres étaient plus rassurantes et plus intéressante.

Elle repensait qu’elle avait eu un peu peur, en arrivant, mais maintenant, tout allait bien. Elle regardait de part et d’autre de la rue, à l’affût des deux frères. Allait elle réussir sa mission ? Elle n’en doutait pas vraiment. Elle espérait juste de ne pas avoir à passer réellement à l’acte avec Kenine.

* On verra bien. *

Elle contemplait la rue, assise devant le bordel. Elle vit passer Urinon, l’ami de Ramzteïn filer comme l’éclair. Il avait l’air pressé. Elle le suivit du regard, jusqu’à ce qu’il disparaisse de son champ de vision, au coin de la rue. Elle ne remarqua que Ramzteïn était là que quand il lui demanda :

- Ils vont arriver, dépêche toi, tu t’es entraînée à placer le somnifère dans le verre ?

Elle se tourna et leva la tête, pour le voir. Il avait l’air si grand.

- Je suis serveuse de métier et plus qu’habile de mes mains. Verser le somnifère sera un jeu d’enfant pour moi. Et toi ? Tu es prêt à venir le chercher quand il sera endormi ? Comment je te préviens pour éviter d’alerter son frère ? J’ai retourné la situation dans ma tête, mais je ne vois pas comment faire.

Elle regardait toujours Ramzteïn mais sa position était inconfortable. Elle entreprit de se lever et se plaça face à lui.

Toquer à la porte. C’était une bonne idée, plutôt dangereux si quelqu’un venait à se balader dans le couloir mais faisable. C’était mieux en tout cas qu’elle emmène elle-même l’homme endormi à Ramzteïn. Elle doutait de sa capacité à transporter un homme. Elle acquiesca et contourna Ramzteïn pour pénétrer à nouveau dans ce taudis de bordel. D’une démarche lente, elle regagna les escaliers tortueux et grimpa pour retourner dans la chambre.

La première chose qu’elle fit : refermer les volets. Il faisait maintenant un noir d’encre dans la pièce et dans sa tentative de retourner près de la porte fermée, elle se heurta violemment à un pied du lit.

- Wouaïe ! Quelle idée stupide de tout barricader avant d’avoir allumé la lumière !

Elle portait des chaussures mais s’était tout de même fait mal. Elle se massa le pied et ce fut en boitant qu’elle atteignit la porte et l’ouvrit. La différence ne fut pas très remarquable. Gwenaëlle disposait de juste assez de luminosité pour allumer trois bougies presque neuves.

- Ca devrait suffire.

Elle en disposa une sur la table, près de la bouteille et du verre, une autre sur la table de chevet, près du lit et déposa la troisième sur la commode, histoire de ne pas éclairer un seul endroit. Gwenaëlle contempla son œuvre avec ironie.

Il devait être presque l’heure, maintenant. Ils n’allaient plus tarder. Une dernière fois, Gwenaëlle inspira et expira à fond, pour rester le plus calme possible. Elle attrapa le petit sachet de poudre posé sur son manteau et le glissa dans sa botte. Là, il était indétectable et elle allait pouvoir le prendre en tout discrétion, en faisant mine de faire tomber quelque chose ou de retirer ses bottes. Elle était fin prête.

Il était bientôt l'heure, mais c'est au dernier moment que Ramzteïn vit qu'il avait oublié quelque chose de primordial: lui-même.
C'était évident, les frères Warnilov allaient le reconnaître, mais pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ?
Il n'avait plus beaucoup de temps, il prit un papier qui traînait près du guichet et pris un stylo crasseux et cassé, sur le papier il écrivit:

Citation :

Pour Heltzin et Kenine Warnilov,
Allez directement dans vos chambres respective, je suis occupé, nous réglerons la paperasse plus tard.

Ensuite le jeune homme mis de la colle au dos du papier qu'il colla sur la vitre du guichet, à l'attention des frères Warnilov.
Ramzteïn retourna ensuite dans son bureau, il en ferma la porte et plaqué contre celle-ci afin de mieux entendre quand les deux frères arriveraient.

On toqua. Gwenaëlle eut à peine le temps de réaliser qu’on frappait et de se retourner que déjà la porte s’ouvrit à la volée. Une grande ombre se découpait devant la porte. L’homme ferma la porte et s’avança plus dans la pièce qui commençait à se réchauffer. Les pas de cet homme résonnaient dans la pièce avec un bruit sourd. Kenine approcha de la table et Gwenaëlle put distinguer le visage dur de ce jeune homme. Il avait les cheveux clairs, en bataille, et assez longs. Elle remarqua aussi une cicatrice au visage, au niveau de son œil gauche. Il dévisageait Gwenaëlle dans la pénombre et elle faisait tout pour ne pas croiser son regard.

- Tu es nouvelle, toi ! s’exclama t il d’une voix grave, avec un rire de satisfaction à peine perceptible.
- Oui.
- Et tu débutes, n’est ce pas ?
- Oui.
- Parfait !

Gwenaëlle répondit simplement, et franchement. Ce n’était pas difficile de mentir, car elle disait la pure vérité. Elle vit Kenine esquisser un sourire et amorcer un geste pour se rapprocher d’elle. Son premier mouvement à elle fut de reculer. Kenine le remarqua et se stoppa net.

- Tu as peur ? Il ne faut pas, je ne vais pas te manger.

Il avait dit ça avec une douceur un peu forcée, calmement.

* Mouais, tu parles ! *

- Vous m’avez surprise, c’est tout, dit elle avec tout le calme dont elle était capable.


Un sourire se dessina sur ses lèvres et il s’avança. Gwenaëlle n’eut qu’à se laisser faire pour éviter d’éveiller des soupçons. Ils étaient presque corps à corps et il avait posé ses mains sur les épaules de Gwenaëlle. Après l’avoir examinée sous toutes les coutures en baladant ses mains un peu partout sur elle, il la prit par la main pour l’inciter à le suivre vers le lit. Il se retourna pour l’embrasser dans le cou, ce qu’elle laissa faire sans broncher. Puis elle le repoussa gentiment et prit sa voix la plus douce et la plus mielleuse :

- Attends, je vais te servir un verre. Tu veux ? Comme ça, tu t’allonges.

Kenine la regarda quelques secondes, et il esquissa un nouveau sourire.

- Fais donc, ma jolie. Je n’aurais plus de plaisir que de boire du vin qui m’est servi par une aussi jolie créature.

Il alla pour l’embrasser mais elle s’y refusa avec un air farouche, ayant l’air de vouloir se préserver jusqu’au dernier moment et faire durer le plaisir. Avec un sourire ravageur, elle fit volte face et se dirigea vers la table. Elle entendit Kenine retirer ses bottes et les jeter au sol. Il retirait aussi quelques effets personnels.

C’était le moment ou jamais. Gwenaëlle fit glisser le tire-bouchon par terre et se pencha pour le ramasser. Au passage, elle attrapa entre ses doigts le petit sachet et le garda au creux de sa main. Elle saisit le tire-bouchon et se releva, l’air de rien. Elle jeta un coup d’œil à Kenine, allongé au milieu du lit, prêt à la recevoir entre ses bras. Il avait les bras écartés, posés sur les coussins tassés et la déshabillait du regard avec une joie sauvage. Elle se retourna et se dépêcha de vider la poudre soporifique dans le verre avant d’user de toutes ses forces pour retirer le bouchon de liège du goulot. Lorsque ce fut fait, elle versa rapidement du vin rouge dans le verre ballon et s’en retourna auprès de son « client ». La poitrine bombée et usant d’un déhanché aguicheur, elle s’assit près de Kenine qui tendit le cou, pour qu’elle le fasse boire.

* Ridicule ! *

Elle se rapprocha un peu plus de lui et lui posa ses mains sur ses hanches, la serrant contre lui avec force. Gwenaëlle pouvait à peine bouger mais elle réussi à faire couler la boisson dans la bouche ouverte du tueur qui s’en délecta. Elle le fit boire le plus possible, dans l’espoir qu’il s’endorme rapidement.

* Allez, bois ! Tu vas nous faire un gros dodo, hein ! *

Le verre fut vidé entièrement et Kenine semblait juste, pour le moment, un peu dans les vapes. Alors, il l’attira vers lui la faisant basculer sur lui. Elle le chevaucha puis il l’embrassa à nouveau dans le cou, jusqu’à ce qu’il se raidisse totalement puis retombe en arrière, les yeux clos. Il s’était endormi.

Satisfaite, Gwenaëlle se leva, sauta au pied du lit et fila en catimini vers la porte de la chambre où elle toqua trois fois, le plus doucement possible.

Elle eut juste le temps de s’écarter car Ramzteïn ouvrit la porte et se rua vers l’homme endormi. Il commença à le hisser hors du lit et à le tira vers la porte. Ramzteïn expliqua à Gwenaëlle qu’il allait le cacher dans son bureau et qu’il fallait faire en sorte de faire comprendre à son frère que son cadet s’est fait avoir. Dès qu’il eut prononcé ces paroles, le cerveau de Gwenaëlle se mit à bouillonner et elle cherchait tous les moyens possibles et imaginables.

- Et si on laissait tout en plant ? Quand Heltzin passera devant la chambre, il verra qu’il n’y a personne, et si les deux frères ne se quittent jamais, alors il comprendra tout de suite que Kenine s’est fait berner. Et il partira à sa recherche, non ?

Ramzteïn prit ses aises sur le bureau et répondit à Gwenaëlle qu’il voulait obtenir certaines informations de la part de Kenine. Il allait donc attendre qu’il se réveille, mais combien de temps allait il encore dormir ?

- Tu pourras attendre longtemps avant qu’il ne se réveille, parce que je lui ai donné une bonne dose de somnifère. A mon avis, il dormira pendant encore quelques heures, deux au minimum. Enfin bon, je vais aller faire un tour dehors, j’en peux déjà plus de cet endroit pourri. J’ai besoin de m’aérer les poumons. Donc si tu me cherches, je serai sûrement devant cette bicoque, comme tout à l’heure.

Elle lui tourna alors le dos et sortit du bureau. Dans la salle d’accueil, elle prit de nouveau la direction de la sortie. Il faisait presque entièrement noir, dehors et aucune autre lumière que celle qui provenait des fenêtres qui donnaient sur la rue n’éclairait cette voie où l’air était frais. Comme tout à l’heure, Gwenaëlle s’assit devant l’entrée et attendit, profitant de chaque inspiration d’air.

Gwenaëlle s’était légèrement assoupie, et un grand fracas la réveilla dans un sursaut. Ramzteïn avait du commencer l’interrogatoire de Kenine. Elle s’étira les bras, se leva, puis s’étira à nouveau. Les mains sur les hanches, elle scruta l’obscurité d’un air absent. Combien de temps était elle restée assise là, elle n’en savait absolument rien, mais la nuit était tombée depuis quelques temps.

Elle fut soudainement tirée de ses rêveries par un hurlement terrifiant qui provenait de la baraque. Gwenaëlle se retourna, mais rien ne bougeait, à l’intérieur. Par réflexe, elle avait cependant saisit sa dague et la tenait fermement. Le hurlement se répéta. C’était Heltzin qui appelait son frère. Il venait de remarquer son absence. La porte du bureau fut alors projetée par terre, dans un bruit assourdissant, masquant le bruit des escaliers que Heltzin dévalait avec fureur.

Ramzteïn empoignait Kenine, réveillé et le visage en sang, et le brandissait comme bouclier humain. Il fixait le tueur au fond des yeux duquel brillait une lueur de rage. Heltzin reconnut Ramzteïn et le regarda avec un certain mépris. Peut être les connaissait il mieux qu’il n’avait voulu le dire à Gwenaëlle…

- Eh oui, approche pas ou je tue ton frère.

Gwenaëlle se lança alors dans la maison, se jeta presque devant Ramzteïn et Kenine, et brandi son poignard. Elle n’avait pas peur de lui. Du moins, il paraissait moins effrayant qu’elle l’avait imaginé. Elle le fixait avec hargne.

- Tu n’es qu’une traîtresse ! Beugla Kenine avec difficultés, à l’encontre de Gwenaëlle.

Elle se retourna vers Kenine, et le regarda avec dégoût.

- La prochaine fois vous saurez qu’il ne faut pas prendre les femmes pour de simples objets et qu’elles peuvent être aussi dangereuses que des hommes comme vous, répliqua Gwenaëlle avec mépris.

Gwenaëlle ne cessait de regarder Kenine d’un air hargneux et ne fut presque pas choquée de l’entendre dire ce qu’il a dit. Elle aurait voulu l’étriper sur place, mais Heltzin et Ramzteïn disputaient de ce que Ramzteïn convoitait. Gwenaëlle avait l’impression d’être mise totalement à l’écart, et ne pouvait qu’écouter leur conversation pleine de mépris. Les deux hommes semblaient plus se connaître que Ramzteïn l’avait laissé comprendre à Gwenaëlle.

Heltzin finit par lancer un pendentif à Ramzteïn qui l’attrapa au vol. C’était tout ? Il avait échafaudé ce plan uniquement pour récupérer ce stupide médaillon ? Il n’a pas hésité à mettre la vie d’une autre personne en danger pour simplement récupérer un bijou à seule valeur sentimentale ? Gwenaëlle était atterrée et ne trouvait aucun mot pour qualifier ce qu’elle pensait. Et puis elle ne voulait pas trop parler non plus, de peur de déclencher la fureur d’Heltzin ou même de s’entendre dire de se taire. Elle était dans une position qu’elle jugeait délicate et chacun des deux hommes pouvait attaquer à tout moment.

* Erreur ! *

Ramzteïn venait de répliquer à Heltzin qu’il ne voulait pas lui rendre son frère. C’était quelque chose à ne pas faire. Gwenaëlle recula, toujours prête à se défendre et même défendre Ramzteïn, en cas d’attaque inopinée du tueur.

Gwenaëlle ne vit même pas le coup venir. Ramzteïn avait achevé d’un coup de poing dans le ventre le jeune tueur, dont le sang gicla un peu partout, éclaboussant les murs, coulant au sol, projeté sur Gwenaëlle qui recula contre le mur, terrorisée.

Son regard se voilà, et elle ne vit plus devant elle qu’un petit garçon recroquevillé sur une banquette, maculé de sang, serrant près de lui un moignon ensanglanté. Gwenaëlle regardait sa mère essayer d’arrêter l’hémorragie du mieux qu’elle pouvait. Gwenaëlle n’avait qu’une dizaine d’années et serrait sa sœur dans ses bras. Elle ne reconnaissait même plus son petit frère, défiguré par l’attaque du loup. Et son père faisait les cent pas dans la pièce surchauffée, impuissant. Le petit gémissait, mais ce qui était gravé dans la mémoire de Gwenaëlle c’était cette effusion de sang.

Gwenaëlle revint à elle quand Heltzin prononça le nom de son frère, inerte, couvert de sang. Gwenaëlle ne pouvait plus regarder dans cette direction, et pourtant, elle n’allait pas laisser Ramzteïn tuer cet homme. Il avait le droit d’être jugé, et puis elle n’avait pas vraiment envie non plus que Ramzteïn se retrouve derrière les barreaux. Le meurtre d’un seul homme pourrait être facile à cacher, mais celui de deux hommes, aussi dangereux soient ils…

- Arrête ! Cria t elle en se lançant devant Ramzteïn, manquant de déraper sur le sang humide, surmontant son angoisse. Tu ne peux pas le tuer lui aussi. Tu pourrais te faire condamner pour ça, même si ce sont des tueurs. Je t’en prie, évitons de faire couler trop de sang. Essayons plutôt de le capturer.

Elle parlait de plus en plus bas, saisie de nausées, regardant bien Ramzteïn dans les yeux, évitant de regarder trop le sang dont la vue lui donnait des frissons glacés qui lui parcouraient le corps.

Cette révélation que Ramzteïn s’était gardé de dire à Gwenaëlle lui fit l’effet d’un coup de massue sur la tête. Il avait dit ça avec tant de désinvolture que Gwenaëlle se sentait à la fois trompée et désemparée. Comment pouvait il parler de ça aussi légèrement. Et puis il disait cela come si elle avait toujours été au courant.

* Qu’est ce que tu peux être stupide ! *

Elle était profondément agacée et aurait voulu étriper les deux hommes sur place. Sa colère bouillonnait et elle ne saurait la contrôler quand elle éclaterai. Elle recula en regardant alternativement chacun des deux hommes avec le même dégoût. Ramzteïn n’avait accepté qu’elle vienne que pour qu’elle serve d’appât et maintenant il voulait régler le compte d’Heltzin seul. Elle aurait voulu partir tout de suite, prendre ses jambes à son cou et ne plus jamais croiser le chemin de Ramzteïn. Seulement, ses jambes restaient fixées par terre, ne voulant pas bouger. Elle lança froidement à l’adresse de Ramzteïn :

- Très bien, alors tue le ! De toutes façons, je vois que tu ne dois pas valoir plus que lui !

Elle parlait avec animosité, sans avoir plus de considération pour Ramzteïn que pour Heltzin. Elle ne pouvait plus que l’encourager à tuer Heltzin, de toutes façons, maintenant, ce n’était pas un meurtre de plus ou de moins qui allait aggraver plus encore son cas.

Il l’avait mise au pied du mur. Ramzteïn avait violemment poussé Heltzin vers elle. Par réflexe, elle le rattrapa. L’homme ne se débattit même pas. Il voulait qu’elle le tue. Il trouvait ça réjouissant de tuer. Quel genre d’homme était il donc ? Elle ne voulait pas le tuer… Et pourtant, il le fallait… Qui, de toutes façons, verra la disparition d’un homme tel qu’Heltzin ? Qui viendrait l’embêter pour avoir tué cet homme ?

* Non ! Tu peux pas le faire ! *

Il le fallait bien, Ramzteïn n’avait pas l’air d’avoir envie de le tuer lui-même. Partagée, Gwenaëlle hésita. Elle remarqua à peine que Ramzteïn avait prononcé une phrase étrange… A y réfléchir, elle aurait préféré tuer Kenine. Elle aurait pu s’amuser avec lui, mais elle n’avait aucune envie de tuer Heltzin. Elle n’avait pas eu de contacts avec lui.

Ramzteïn attendait.

Finalement décidée, elle empoigna fermement Heltzin aux bras et d’un mouvement rapide leva son genou à son entrejambe. L’homme se débattit alors, furieux, blessé. Une larme coula sur sa joue et Gwenaëlle n’attendit pas qu’il se relève. Elle l’attrapa d’une main par l’épaule et enfonça son poignard dans le bas ventre d’Heltzin. Elle n’éprouvait aucune joie, mais de la haine. Elle était incapable de parler, mais son regard, qu’elle projeta droit dans les yeux de l’homme mourant, en disait long.

D’un dernier mouvement, elle retira la lame du ventre d’Heltzin qui bascula en arrière, sur le corps de Kenine, secoué de tremblements. Le sang coulait lentement, se répandant encore plus sur le sol déjà couvert, se mélangeant au sang de Kenine.

Dans un dernier regard vers Ramzteïn, apparemment surpris de la réaction de Gwenaëlle, Heltzin expira, raide. Gwenaëlle se baissa et essuya la lame de son poignard à un morceau de la chemise d’Heltzin, pas encore tachée de sang, et se releva, fixant Ramzteïn.

- Je ne vois pas de quelle joie tu parlais, mais j’espère que tu es content de sa mort, dit elle avec sarcasme, un peu sèchement.